Le Monde vu de la Cortewilde

Le Monde vu de la Cortewilde

Sidi Feller. Tunis, 1932.

 

Tunis. 1932.

 

Voici Pierre Feller. C'est "le Luxembourgeois" de la photo d'Alice à Marseille en 1930. Mon grand-père donc. Il est appuyé contre le panneau, à droite de la photo. Non loin à l'arrière, sa machine à "battre les pieux": on enfonçait de longs cylindres en acier, fixés bout à bout (comme les forages pétroliers), pour y fixer les fondations des grands immeubles sur sol instable: sable, marais... Il est avec ses 3 mécaniciens, un manoeuvre arabe et les ingénieurs, au sol, lors d'un essai d'une nouvelle technique. Une fois les pieux battus, ils laissaient la place pour la construction et partaient vers une nouvelle mission.

A chaque arrivée sur un nouveau chantier, il avait un budget  pour embaucher de la manoeuvre locale pour le gros-oeuvre, le temps du chantier, quelques semaines au plus. Il m'a raconté que sur l'enveloppe qui lui était attribuée, il réservait toujours une petite somme pour engager un vieil homme, trop vieux pour ce travail lourd, mais d'allure assez autoritaire, et qu'il affectait uniquement à la protection de sa femme et de sa fille, à la plage ou en ville. Ce petit vieux lui resta fidèle et les suivit d'un chantier à l'autre.

"Sidi Feller", comme il était surnommé là-bas, était très apprécié des ses ouviers indigènes, car il les respectait, payait bien les courageux, et les réembauchait d'un chantier à l'autre car ils étaient souvent heureux de pouvoir le suivre.

Ses plus grandes réalisations en Afrique furent l'hôpital d'Alger, et le port militaire français de Bizerte en Tunisie, que l'on aggrandissait en cette période trouble et où on aménageait une nouvelle base de sous-marins.

En 1936, il fut forcé d'abandonner son métier, car l'armée française se méfiait des cadres étrangers, soupçonnés d'espionnage au profit de l'Allemagne. En France en effet, on ne faisait pas la différence entre les Luxembourgeois, annexés de force au Reich et qui détestaient les nazis, et les Allemands.

Et pourtant, sa haine du nazisme lui valut d'entrer dans la Résistance. Il fut arrêté par la Gestapo, torturé et déporté dans un camp de concentration. Il échappa à une mort annoncée grâce à une évasion réussie.

Mais ça, c'est une autre histoire...

Encore une simple vie réelle, comme dans les livres... 



31/08/2011
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