Le Monde vu de la Cortewilde

     Le 17 mars 1943, 26 jeunes Houthémois étaient déportés (travail obligatoire) en Allemagne. Quelques semaines plus tôt, ils avaient été convoqués à l'Arbeitsamt à Ypres qui organisait les convois de STO. Certains ne s'y présentèrent pas, mais on leur fit comprendre qu'on risquait de s'en prendre à leur famille (privation de tickets d'alimentation et de charbon)... Tous déclarèrent comme profession "ouvrier agricole", ce qui leur permit de travailler dans les fermes allemandes dont les ouvriers étaient au front.

     Voici une photo dont j'ignorais l'existence : une partie du groupe juste avant le départ du convoi spécial ("artbeitersunderzug") à la gare de Courtrai. Vous voyez que la plupart ont une valise en osier : c'est qu'il y avait un vannier à la Cortewilde, André Pattyn qui est aussi sur la photo. Ils avaient été escortés jusqu'à Courtrai par le secrétaire communal qui les avait alors confiés aux responsables du convoi. Mon oncle Albert faisait partie de ces déportés, je crois bien qu'il est celui assis à droite, mais mon père n'est pourtant pas aussi affirmatif? Quand il est décédé en 1989, on a découvert qu'il avait tout conservé de cette époque de sa vie (la photo n'est pas la sienne) : toutes les lettres que son frère (mon père) lui écrivait chaque semaine, même si elles étaient d'une banalité un peu répétitive, à cause de la censure : il y parlait des cultures et des animaux, pour lesquels on se débrouillait sans lui, de la santé de la grand-mère, bref de la routine de la vie d'un petit village, afin de le rassurer. Il avait même conservé son billet de train de ce voyage forcé.

     Ils sont rentrés au pays fin mai 1945. L'un d'eux manquait à l'appel : Maurice Bourgeois qui était mort dans un bombardement de la gare de Leipzig alors qu'il allait rendre visite à un copain.

      Certains d'origine houthémoise reconnaîtront peut-être un de leurs proches...