Le Monde vu de la Cortewilde

C'est un document probablement assez rare que je propose aujourd'hui à mes lecteurs amateurs d'Histoire.

En effet, mon père m'a confié ce document qu'il a retrouvé dans les quelques archives familiales qui ont échappé aux guerres et aux déménagements.

Il s'agit d'un "Certificat d'exemption" de service militaire de mon arrière-arrière-arrière-grand-père, Pierre-Joseph Bartier, né le 21.7.1792.

"Exempté du service de la Milice comme fils unique".(au tirage au sort de 1815, qui fut le dernier)

Il s'agissait bien encore à cette date de l'armée impériale française de Napoléon, puisque le tirage au sort date du 3 juin 1815, alors que la défaite de Waterloo eut lieu quelques jours plus tard, le 18 juin!

Du coup, j'ai fait quelques petites recherches au sujet du tirage au sort militaire. En voici un petit résumé pour les amateurs d'Histoire.

Sous l'Ancien régime (avant la Révolution Française)

 Il n'y avait pas de service proprement dit. Les armées étaient composées de volontaires professionnels. Chaque chef d'armée (colonel) veillait lui-même à enrôler suffisamment de soldats. Pour cela, il utilisait des "sergents-recruteurs" qui écumaient les campagnes, avec de belles promesses, en payant à boire, en attirant les esprits aventuriers, les amoureux déçus, les jeunes hommes dégoûtés de la condition misérable de paysan...

En 1794, les provinces belges...

...(qui appartenaient à l'Autriche) furent conquises par les Français. Notre région devint le Département de la Lys (voir document). C'est donc le système militaire français qui s'appliqua pour nos jeunes en âge d'aller à la guerre.
Durant la période française (de 1794 à 1815), 152.880 Belges furent incorporés et envoyés sur les champs de bataille (surtout ceux de Napoléon). 51.000 d'entre eux périrent durant ces campagnes militaires.

Instauration du service militaire.

En 1794, le Général Jourdan est à l'origine de la loi sur le service militaire obligatoire : la "conscription". Celle-ci est tempérée par le tirage au sort.
Principe : on tire au sort 35% des conscrits célibataires ou veufs non mariés. Après tirage d'un n° par chacun, on prend les plus bas jusqu'au quota fixé, par un "conseil de révision" qui décide qui est  apte ou inapte pour un service de 7 ou 8 ans! On devait parfois monter jusqu'au n° 75 ou 80 pour trouver le contingent exigé.

-Motifs d'exemption : enseignant, notable, ecclésiastique, soutien de famille (c'est le cas du "fils unique" du document!)
-Motifs d'inaptitude physique : moins de 1,45 mètre, simples d'esprit, boiteux, bossus, pieds bots ou plats, borgnes de l'œil droit (viser), amputés de l'index droit (tirer), édentés (car il fallait savoir déchirer avec les dents le sachet de poudre prévu pour chaque balle)...
-Restait pour les riches malchanceux la possibilité de s'acheter un remplaçant, par un contrat devant notaire pour une somme très importante (10 à 12.000 francs de l'époque)qui le réservait aux plus fortunés.

Réfractaires.

Nombreux étaient les malchanceux qui préféraient disparaître dans la nature, surtout en Belgique où l'idéal patriotique pour la France (et les batailles sanglantes de Napoléon) était inexistant. Dans les Ardennes, un réfractaire était littéralement "sacré" et c'était un devoir absolu de le protéger. La dénonciation faisait de son auteur un monstre à tuer et sa famille était exclue de la communauté.
En 1813, le mécontentement était tel que 70.000 appelés ne rejoignirent pas leur régiment et se cachèrent.

Rites porte-chance

De nombreuses pratiques religieuses/magiques étaient mises en œuvre pour éviter le mauvais n° :
-neuvaines à St-Gérard
-pèlerinages à St-Antoine
-prières et incantations spéciales
-brûler une bougie par les deux bouts...

Fin du tirage au sort

En 1905, la Loi Berteaux supprime le tirage au sort et les exemptions. Le service devient "personnel, égal et obligatoire". Il dure 2 ans.
En 1913, il passe à 3 ans.

P.S. Si quelqu'un a plus de renseignements sur le service militaire belge depuis 1830, la rubrique "commentaires" ci-dessous lui est ouverte! Merci!

Si vous avez aimé cet article, cliquez ci-dessous sur "PARTAGER". MERCI!